15  Résultats

15.1 Introduction

Plus d’un patient sur quatre est âgé de 80 ans ou plus lors de son intervention de hanche (27.9 % dans le dernier rapport Orthopride 2020).

La Belgique dispose d’une législation encadrant la prise en charge des aînés en hospitalisation.

En effet, l’arrêté royal de 29 janvier 2007 décrit le programme de soins gériatrique. En dehors d’un service de gériatrie, celui-ci mentionne « qui » doit être dépisté et pris en charge (patient de plus de 75 ans ou moins de 75 ans et vulnérable hospitalisé dans l’hôpital) et « comment » (via une liaison interne gériatrique). La liaison interne permet de mettre les principes et l’expertise pluridisciplinaire gériatrique à la disposition du médecin spécialiste (en l’occurrence ici l’orthopédiste) et des équipes, là où le patient est hospitalisé.

Une méta-analyse (Grigoryan, Javedan, et Rudolph 2014) et une revue systématique Cochrane (Eamer et al. 2018) démontrent que la collaboration ortho gériatrique et l’évaluation de la fragilité permettent d’améliorer la mortalité après une intervention pour fracture de la hanche.

Les résultats ci-après s’intéressent à cette prise en charge spécifique et explorent les questions suivantes:

  • Existe-t-il un screening pré et/ou postopératoire de la fragilité dans le parcours du patient opéré d’une arthroplastie de hanche?
  • Comment s’organisent les soins entre les services d’orthopédie et de gériatrie ?
  • Comment sont utilisés les lits agréés indice G pour les séjours au sein de l’APR-DRG 301 ?
  • Quelle est la proportion de patients de 75 ans et plus admis pour chirurgie de hanche bénéficiant d’une prise en charge gériatrique ?

Le seuil de l’âge pour les analyses est de 75 ans et plus. Cet âge correspond en effet aux conditions reprises dans la nomenclature.

Pour l’APR-DRG 301, 99 hôpitaux ont été sélectionnés pour l’analyse des données couplées et le questionnaire en ligne. Parmi ceux-ci, seuls 2 hôpitaux ne disposent pas de lits G.

15.2 Dépistage de la fragilité

Sciensano décrit la fragilité: c’est un syndrome clinique courant (= groupe de symptômes caractéristiques d’un trouble spécifique) chez les personnes âgées. Plus simplement, il s’agit d’un état de vulnérabilité face aux événements indésirables. Par conséquent, de petits désagréments peuvent se transformer en de graves problèmes de santé. La fragilité augmente donc le risque d’invalidité après un accident, une chute ou une hospitalisation. L’identification des personnes à haut risque semble être la meilleure façon de prévenir et de traiter efficacement la fragilité.

La fragilité augmente avec l’âge (Clegg et al. 2013): dans le groupe d’âge de 65 à 69 ans, environ 4 % peuvent être considérés comme fragiles; 7 % de 70 à 74 ans; 9 % de 75 à 79 ans; 16 % de 80 à 84 ans; et 26 % pour les plus de 85 ans. La fragilité avant une intervention chirurgicale est fortement associée à un risque accru de mortalité postopératoire (McIsaac, Bryson, et Walraven 2016).

La Netherlands Orthopaedic Association 2019 recommande de dépister la fragilité chez toutes les personnes âgées de 70 ans et plus via un outil validé. Si le dépistage est positif (vulnérabilité accrue, éventuellement fragilité), il est indiqué de procéder à une évaluation gériatrique complète afin d’établir des recommandations pré et post-opératoires.

Cet audit s’est intéressé au dépistage de la fragilité via le questionnaire en ligne. Les réponses au questionnaire en ligne indiquent que le screening préopératoire des patients âgés de 75 ans et plus dans le cadre d’une prothèse de hanche primaire est complet dans 16 hôpitaux sur 98 (dépistage des troubles cognitifs, évaluation du statut nutritionnel, autonomie dans les activités de la vie quotidienne, évaluation des comorbidités, renvoi du patient vers l’équipe gériatrique, discussion préopératoire de la sortie). Tous les cas de figure sont présentés dans la Figure 15.1 ci-dessous . Il n’y a donc pas d’uniformité dans le contenu du dépistage.

Figure 15.1: Registration in Orthopride (when).

Lors de l’audit sur place, nous avons interrogé les hôpitaux sur le dépistage pré et postopératoire de la fragilité dans le cadre d’une fracture du col du fémur chez le patient de plus de 75 ans.

En préopératoire, 28 hôpitaux sur les 30 visités déclarent dépister la fragilité. Dans un tiers des hôpitaux, le dépistage est effectué par une équipe gériatrique (équipe liaison, gériatre). L’alternative est un membre du service des urgences qui utilise une échelle gériatrique (Identification for Senior at Risk: échelle ISAR).

En postopératoire, 26 hôpitaux sur les 30 visités déclarent évaluer la fragilité. Un peu plus de 2 tiers (22/30) des hôpitaux font appel au gériatre ou à l’équipe de liaison. L’évaluation est réalisée via des échelles validées (ISAR, Braden, Mini Mental State (MMS), etc.). Les différentes actions mises en place pour prévenir les complications post-opératoires sont reprises en annexe.

15.3 Organisation entre services d’orthopédie et de gériatrie

D’après le questionnaire en ligne, pour l’indication arthrose, 63.2 % des répondants indiquent que les patients de 75 ans, et plus, sont hospitalisés en orthopédie avec appel à l’équipe de gériatrie sur demande. Dans cette indication, 10.2 % des hôpitaux accueillent ces patients dans un lit « G » et 4.2 % des hôpitaux organisent des soins via une collaboration étroite entre l’orthopédiste et le gériatre au sein de la même unité de soins.

Dans l’indication fracture, 35.7 % des hôpitaux optent pour un séjour en lit « G » tandis que 20.4 % des hôpitaux déclarent organiser une intégration du gériatre au sein du service d’orthopédie. 47.9 % des répondants déclarent ne jamais ou rarement avoir recours au service de gériatrie sur demande.

15.4 Séjour dans un lit indice G

15.4.1 Prothèse totale de hanche pour arthrose

15.4.1.1 Admission dans un lit G en fonction de l’âge

La Figure 15.2 ci-dessous montre la proportion de séjours dans l’indice de lit G en fonction de l’âge. Plus le point est foncé, plus il y a un nombre de séjours important.

Nous constatons que le recours à l’utilisation d’un lit G, jusqu’à 86 ans, est inférieur à 6 %.

Figure 15.2: Proportion of patients admitted in a G bed by age.

15.4.1.2 Utilisation d’un lit indice G par hôpital

La Figure 15.3 ci-dessous montre la proportion de séjours en gériatrie sur le total des séjours pour des patients de plus de 75 ans, un point représente un hôpital. Le dénominateur reprend le nombre total de séjours avec PTH dans tous les indices de lits. Plus le point est foncé, plus le nombre de séjours est important.

Figure 15.3: Proportion of patients admitted in a G bed for THP.

La Figure 15.4 ci-dessous est une révision du graphique original où l’effet de la répartition par âge et par cluster sont neutralisés avec en outre une approche Bayesienne.

Une approche Bayesienne est appliquée, de sorte que les petits hôpitaux tendent à être situés plus près de la moyenne générale.

Figure 15.4: Proportion of patients admitted in a G bed for THP with Bayesian approach.

La plupart des hôpitaux admettent très peu de patients de 75 ans et plus dans un lit G pour une prothèse totale dans l’indication arthrose.

15.4.2 Prothèse (totale ou fémorale) pour fracture

15.4.2.1 Admission dans un lit G en fonction de l’âge

La Figure 15.5 ci-dessous montre la proportion de séjours dans l’indice de lit G en fonction de l’âge. Les points les plus foncés représentent les plus grand nombre de séjours par âge.

Figure 15.5: Proportion of patients admitted in a G bed by age.

Pour l’indication fracture, cette figure montre qu’entre 80 et 102 ans, 33 à 67 % des patients passent au moins un jour dans un indice de lit G. Par ex., pour les patients âgés de 90 ans à leur admission, 50 % sont passés dans un lit G et 50 % étaient hospitalisés ailleurs.

15.4.2.2 Utilisation d’un lit indice G par hôpital

La Figure 15.6 ci-dessous montre la proportion de séjours en gériatrie sur le total des séjours pour des patients de plus de 75 ans, un point représente un hôpital. Le dénominateur reprend le nombre total de séjours avec prothèses pour fracture dans tous les indices de lits. Plus le point est foncé, plus le nombre de séjours est important.

Figure 15.6: Proportion of patients admitted in a G bed with prostheses for fracture.
Figure 15.7: Proportion of patients admitted in a G bed with prostheses for fracture with Bayesian approach.

Certains hôpitaux, qui se retrouvent à gauche du graphe, n’ont que très peu de séjours en lits G alors que les hôpitaux à droite dans la figure hospitalisent toujours les patients de 75 ans et plus dans un lit G pour l’indication fracture.

Les politiques de séjour en service gériatrique pour le trajet de soins fracture varie d’un hôpital à l’autre.

15.5 Recours à la liaison interne gériatrique

Dans les analyses suivantes, nous n’incluons que les données de 94 hôpitaux, car nous ne disposons pas des données des quatre hôpitaux restants.

2 codes de nomenclatures sont utilisés en liaison gériatrique pour un patient de 75 ans et plus hospitalisé en dehors d’un lit indice G:

  • 599045: honoraires pour l’examen par le médecin spécialiste en gériatrie, effectué chez un bénéficiaire admis dans un autre service que G (300), âgé de plus de 75 ans, sur prescription du médecin spécialiste autre que gériatrie, qui exerce la surveillance.
    Cette prestation ne peut être portée en compte que deux fois maximum durant la même période d’hospitalisation ininterrompue.
  • 597623: honoraires pour la participation à une concertation multidisciplinaire, sous sa direction, par le médecin spécialiste en gériatrie chez un bénéficiaire admis dans un autre service que G (300), âgé de plus de 75 ans et chez qui précédemment au moins une prestation avec le numéro d’ordre 599045 a été faite pendant le même séjour.
    La prestation 597623 ne peut être portée en compte maximum deux fois par semaine par bénéficiaire.

15.5.1 Recours à la liaison gériatrique interne pour les patients avec arthrose et PTH

599045 Total
Absent Present
597623
    Absent 5,231 403 5,634
    Present 1 259 260
Total 5,232 662 5,894

Le nombre de séjours concernés selon les critères de sélection (âge, diagnostic d’arthrose et PTH) est de 5894. Sur l’ensemble de ces séjours, 11 % (663 séjours) comprennent la facturation d’un ou des deux codes de nomenclature de la liaison. Les 2 codes ont été facturés dans 4.3 % des séjours.

La Figure 15.8 reprend, par hôpital, la facturation ou non des deux prestations de liaison.

Figure 15.8: Proportion of stays with geriatric liaison nomenclature codes (THP and arthrose).
Figure 15.9: Proportion of stays with geriatric liaison nomenclature codes with Bayesian approach (THP and arthrose)

Les hôpitaux le plus à droite ont des séjours avec facturation d’un des 2 codes ou les 2 de manière quasi-systématique, contrairement aux hôpitaux à gauche pour lesquels aucune ou très peu de prestations de liaison interne sont facturées par séjour.

15.5.2 Recours à la liaison interne gériatrique pour les patients avec fractures et prothèses (totale ou fémorale)

599045 Total
Absent Present
597623
    Absent 1,746 371 2,117
    Present 6 450 456
Total 1,752 821 2,573

Le nombre de séjours concernés (avec les critères: fracture avec intervention chirurgicale, 75 ans et plus, séjour en dehors d’un lit G) est de 2573. Parmi ces séjours, 68 % ne comprennent aucun des 2 codes de nomenclature. 32 % des séjours comprennent au moins un des deux codes. Les 2 codes ensemble ont été facturés pour 450 séjours.

La Figure 15.11 reprend, par hôpital, la facturation ou non des prestations de liaison.

Figure 15.10: Proportion of stays with geriatric liaison nomenclature codes (prostheses and fracture).
Figure 15.11: Proportion of stays with geriatric liaison nomenclature codes with Bayesian approach (prostheses and fracture).

Les hôpitaux le plus à droite ont des séjours avec facturation d’un des 2 codes ou les 2 de manière systématique contrairement aux hôpitaux à gauche pour lesquels aucune ou très peu de prestations de liaison interne sont facturées.

Les séjours avec fractures comprennent des prestations de liaison trois fois plus élevé (32 % avec facturation d’un des deux codes de nomenclature) que dans les séjours pour arthrose (11 %).

15.6 Quel type de prothèse pour le patient âgé avec fracture du col du fémur ?

La fracture du col du fémur peut être traitée de plusieurs manières: l’ostéosynthèse est une option privilégiée chez les jeunes ou les personnes âgées qui ne tolèrent pas la chirurgie de la prothèse. Chez les personnes âgées, la préférence va vers le placement d’une prothèse fémorale ou une prothèse totale (PTH).

L’hémi arthroplastie présente les avantages d’un temps opératoire plus court, moins de pertes sanguines, moins de contraintes techniques, moins de charges économiques, et un taux de luxation plus faible. La prothèse totale est associée à une meilleure fonction de la hanche, moins d’érosion de l’acétabulum et un taux de révision plus faible.

Une méta-analyse (Liu et al. 2020) récente a conclu que la PTH est préférable chez le patient âgé de plus de 75 ans actif. Les auteurs d’une autre méta-analyse (Migliorini et al. 2020) déclarent que ces deux options sont valables avec des taux de survie comparables. On note toutefois une réduction de complications différente: moins de luxation avec prothèse fémorale et moins d’érosion acétabulaire et de révision avec une PTH.

Les dernières recommandations NICE 2021 proposent de placer une PTH plutôt qu’une prothèse fémorale si le patient est autonome à la marche, préservé sur le plan cognitif et apte médicalement pour l’anesthésie et la chirurgie. AAOS 2021 (moderate recommendation): chez des patients bien sélectionnés présentant des fractures déplacées du col du fémur, l’arthroplastie totale de la hanche peut présenter un avantage fonctionnel par rapport à l’hémi arthroplastie même s’il y a un petit risque d’augmenter les complications.

La Figure 15.12 ci-dessous montre la proportion de prothèse fémorale sur la somme des prothèses fémorales et totales, chez des patients de 75 ans et plus dans les différents hôpitaux en Belgique. Chaque point représente un hôpital. Plus la couleur est intense, plus l’hôpital a un nombre de séjour avec fractures (PTH et prothèse fémorale) important.

Figure 15.12: Proportion of femoral prosthesis for femoral fracture in elderly patients (75 and over).
Figure 15.13: Proportion of femoral prosthesis for femoral fracture in elderly patients (75 and over) with Bayesian approach.

Les hôpitaux qui se situent à l’extrême droite placent quasi 100 % de prothèses fémorales lors d’une fracture du col du fémur chez un patient de plus de 75 ans.

La politique chirurgicale varie de manière importante d’un hôpital à l’autre pour les patients de plus de 75 ans. Les critères de choix des prothèses sont discutés dans le chapitre implants.