16  Discussion

Promouvoir une culture où tous les professionnels seraient sensibilisés à l’approche gériatrique (diffusion des savoirs, réunions multidisciplinaires) est une des recommandations du rapport KCE 2015.

16.1 Dépistage

Le dépistage de la fragilité est actuellement insuffisant et pourrait être systématisé au vu des outils disponibles.

En effet, ce dépistage est la base d’une évaluation gériatrique. Le message clé de l’étude Cochrane 2018 (Eamer et al. 2018) est que les patients avec fracture bénéficiant d’une évaluation gériatrique (Comprehensive Geriatric Assessment CGA) sont moins susceptibles de décéder et ont plus de chance de rentrer chez eux.

16.2 Organisation des soins: modèle ortho-gériatrique

En Belgique, l’expertise gériatrique pour les patients âgés dans les services non-gériatriques, tels que les services de chirurgie, est principalement assurée par des équipes de liaison gériatriques. Il s’agit d’une activité sur demande (modèle réactif).

L’efficacité de ces équipes de liaison gériatriques est limitée par le fait:

  • que leur approche est plutôt réactive que proactive

  • que les équipes non-gériatriques manquent de connaissances et d’expertise gériatriques

  • que les interventions proposées sont peu suivies par les équipes.

Une alternative est un modèle intégratif qui se caractérise par des soins directs proactifs c-à-d une collaboration et un partage des responsabilités entre l’équipe chirurgicale et l’équipe gériatrique.

Dans une revue systématique et une méta-analyse (Van Heghe et al. 2022), les soins ortho-gériatriques ont eu un effet positif (c’est-à-dire une réduction) sur la durée de séjour, la mortalité à l’hôpital, la mortalité à 1 an et la confusion postopératoire des patients avec fracture de hanche. Ces soins pourraient réduire les complications et le coût alors que l’impact sur le statut fonctionnel n’est pas significatif.

Les patients âgés avec fracture admis dans n’importe quel type de modèle ortho-gériatrique voient leur mortalité réduite (Moyet et al. 2019).

Les données récoltées dans notre audit confirment que le modèle ortho-gériatrique est encore trop peu répandu.

Pour le trajet arthrose, le modèle majoritaire des hôpitaux est un modèle collaboratif réactif (sur demande) contrairement au trajet fracturesoit les hôpitaux accueillent les patients dans un lit G soit mettent en œuvre un modèle intégratif (20.4 % des hôpitaux).

Presque 1 hôpital sur 2, lors d’une fracture chez un patient de plus de 75 ans, ne fait jamais ou rarement appel au service de gériatrie. Ce constat est confirmé par les données de facturation de la liaison gériatrique. Parmi les séjours avec fracture, 63 % ne comprennent aucun des 2 codes de nomenclature de la liaison. Or, en 2019, au sein de l’APR-DRG 301, 1133 séjours concernent des patients âgés de 90 ans et plus (intervention prothèses de hanche (fémorale ou PTH) pour fracture).

Les preuves sont actuellement insuffisantes pour recommander l’un ou l’autre type de modèle de soins ortho-gériatriques.

En Belgique, une étude récente (Fagard et al. 2023) s’est intéressée aux soins gériatriques en chirurgie auprès de 55 hôpitaux. L’étude confirme que les soins gériatriques pour les patients chirurgicaux en Belgique sont principalement réactifs, mais des services proactifs (intégratifs) émergent. Les principaux obstacles à l’amélioration des soins gériatriques et chirurgicaux sont les suivants: la nécessité de mettre à jour la législation actuelle, le financement et le fait de remédier à la pénurie de personnel soignant (infirmier et médical) dans le domaine de la gériatrie.

16.3 Admission dans un service d’orthopédie ou de gériatrie?

Les 2 options sont le plus souvent constatées lors d’un séjour pour fracture alors que pour la PTH élective, le patient âgé de 75 ans, et plus, est admis quasi exclusivement en orthopédie.

Les politiques hospitalières divergent dans le trajet de soins fracture. Un nouveau modèle de structure est préconisé dans un article récent du NEJM 2022 (Chang, Devereaux, et Slobogean 2022): un modèle emprunté aux soins intensifs, avec une structure d’encadrement périopératoire immédiat associant différentes disciplines et assurant une surveillance 24h/24 et 7 jours/7.

Les critères d’admission dans l’un ou l’autre service devraient être basés sur une évaluation globale objective du patient gériatrique pour une prise en charge la plus adéquate possible, adaptée aux ressources disponibles dans l’hôpital et intégrée dans l’organisation des soins ortho-gériatriques.

16.4 Choix thérapeutique lors d’une fracture du col du fémur

Chez les patients de 75 ans et plus, nous constatons que la politique chirurgicale varie de manière importante d’un hôpital à l’autre avec orientation soit vers une prothèse fémorale, soit vers une prothèse totale de hanche. Le dépistage préopératoire de la fragilité s’inscrit dans cette prise de décision du choix de prothèses. Des recommandations nationales pourraient être éditées.

16.5 Conclusion

En conclusion, un dépistage de la fragilité, une formation du secteur d’orthopédie aux enjeux des aînés, des trajets de soins spécifiques et des recommandations dédiées aux soins gériatriques et chirurgicaux, sont nécessaires. La législation et la nomenclature qui soutiennent ces démarches sont disponibles. La pénurie de personnel soignant est un point d’attention important.